Point de vue

Le site de marque, victime collatérale de la transformation numérique ?

Tous les écosystèmes sont cruels pour les plus faibles. La sélection naturelle existerait-elle aussi au sein des écosystèmes numériques et les sites web en seraient-ils le maillon faible ? Est-il toujours utile et logique d'investir dans ces vitrines digitales désuètes alors que les marques disposent de tant d'espaces pour interagir avec leurs publics ? A l'inverse, la multiplication des contenus et des points de contacts ne joue-t-elle pas en faveur du bon vieux site à papa ?

A l'heure où les marques sont en recherche constante d'innovation, il est sans doute utile de faire le point sur celui qui fut le must absolu aux temps reculés du web 1.0.

Ne pas être au digital ce que le gasoil est à l'automobile.

Lourd, pénible, laborieux... le site web traine avec lui la réputation de vivre souvent en marge des espaces où se forme l'opinion. Piloté parfois par des décideurs qui utilisent le web comme on consulte les pages jaunes, les sites de marque font l'objet de tellement d'attention que plus personne n'ose y toucher. En conséquence, c'est le panthéon de la langue de bois, la bibliothèque d'Alexandrie du bullshit. Ceux qui s'en occupent s'adressent à ceux qui surveillent. Aucun client ne pense plus à y jeter un coup d'oeil, les concurrents savent qu'ils n'y trouveront pas une info exploitable, les journalistes attendent encore la première alerte RSS... Seuls les candidats à un stage s'y risquent encore.

A côté de cette approche 100% corporate & tranquillité, il y a aussi les tenants du "on est chez nous, on peut se lâcher". Là, plus de limites. Alors, allons-y, parlons de nous à toutes les pages puisqu'on peut. Le dernier produit qu'il est si bon, la promo qui va réenchanter le monde, le bon de réduction (à imprimer), l'âge du capitaine... tout y passe. Résultat : c'est à peine différent de l'option 1. Très vite, on se lasse et on finit pas confier la responsabilité du site au dernier stagiaire un peu geek qui passe par là. On débloque quand même un petit budget adwords pour maintenir le trafic sous respiration artificielle, et roule.

Et si on parlait ?

Pourtant, le site web n'a pas dit son dernier mot. Face au flux incessant de contenus diffusés sur les réseaux sociaux, il dispose d'atouts qu'il convient de rappeler ici.

> C'est un espace pour apprendre : il n'existe pas d'entreprise, de marque ou de produits - même les plus simples - qui n'ait quelque chose d'unique à faire connaitre et à partager. En rendant accessible ce patrimoine, la marque se donne les moyens de valoriser son savoir-faire et de renforcer sa spécificité.

> C'est un espace pour s'engager : les consommateurs attendent des marques qu'elles prennent position sur les enjeux de société qui les concernent. Le site permet d'afficher leurs engagements et d'être au rendez-vous des obligations auxquelles les entreprises ne peuvent plus se soustraire.

> C'est un espace pour distraire : il n'est pas interdit aux marques d'offrir à leurs publics des moments cadeaux, juste pour le plaisir. Beaux, fun ou étonnants, les contenus qu'on pense "gratuits" sont souvent ceux qui finalement séduisent et attirent le plus les internautes.

Gérer la marque comme un média.

Pour alimenter la conversation avec leurs publics, émerger sur les réseaux sociaux et faire venir vers elles les consommateurs, les marques développent toujours plus de branded content. En 2017, 59% des marketeurs euro-américains déclarent vouloir développer leurs budgets en la matière davantage que sur les autres leviers. 

La plupart de ces productions sont, logiquement, destinées à alimenter les réseaux sociaux. Elles sont alors taillées, réduites, modelées pour s'adapter à leurs exigences, jusqu'à donner une vision kaléidoscopique de la marque. C'est alors que le site web joue pleinement son rôle. Véritable camp de base, il assure la cohérence, en largeur sur toute l'étendue des sujets en rapport avec la marque, et en profondeur pour développer des arguments et des informations qui ne trouveront pas suffisamment d'espaces ailleurs.

Alors, quels sont les principes à respecter pour donner du sens et de l'intérêt au site de votre marque ?

1) S’obliger à porter un message ambitieux : ce n'est pas parce que le site est à son propre service qu'il faut en faire un robinet d'eau tiède. Sur cet espace privilégié, la marque peut, et même doit, porter haut sa vision et son ambition, y compris en abordant des sujets qui peuvent faire polémique. Pédagogique, le site permet de faire partager les enjeux de l'entreprise, de faire connaitre sa démarche de progrès, de baliser le chemin dans une logique d'ouverture et de dialogue.

2) S’organiser en comité de rédaction : Au sein d'une entreprise, les détenteurs de contenus sont nombreux (marketing, communication, R&D, RSE, corporate, RH, production…). Pour ne rien oublier, arbitrer les priorités et organiser la production des contenus, il convient d'installer un pilotage transversal en y associant l'ensemble des parties prenantes. Cette organisation permet d'identifier les synergies, d'affecter et de coordonner les moyens et de mesurer les résultats. En disposant d'un calendrier éditorial en début d'année, la marque s'assure de tirer le meilleur profit de son actualité.

3) Développer un regard critique : En tant que média, le site s'adresse à des publics dont les centres d'intérêt peuvent rejoindre ceux de la marque, sans être identiques. Les contenus proposés ont-ils un intérêt pour une audience externe ? Sont-ils conçus pour être partagés ? S'il ne s'agissait pas de nous-mêmes ou de notre produit, est-ce que ça nous intéresserait ?... Autant de questions à se poser régulièrement. A priori, il n'y a pas de mauvais sujets, encore faut-il se donner la peine de les traiter dans une logique "reader centric".

4) Se souvenir de Victor Hugo : "La forme, c'est du fond qui remonte à la surface"disait le poète. Valable pour tout en matière de communication, cet adage est encore plus vrai sur le web où l'attention et le temps disponibles sont des denrées rares. Il convient de tout faire pour capter le public en soignant l'habillage. Qualité des textes et de la direction artistique, réalisation des vidéo, design des infographies... plus les contenus sont soignés, plus l'internaute comprend l'intérêt qu'on lui porte, et plus il est tenté de visiter le site régulièrement. 

Le lien entre la fréquence de publication, l’angle éditorial et le nombre d’interactions étant aujourd'hui clairement démontré, les marques peuvent aisément capter et fidéliser le trafic sur leurs sites en favorisant les contenus didactiques, exploratoires ou disruptifs.

En tant que place forte, les sites ont toujours une belle carte à jouer dans le dispositif numérique des marques, pour autant qu'ils sortent d'une logique autocentrée et s'ouvrent réellement sur l'extérieur. Pilotés comme un véritable média, ils doivent non seulement reprendre une place centrale mais aussi devenir la pierre angulaire de la présence digitale de la marque.

Ce qu’il faut retenir

1)     Les sites occupent une fonction centrale dans la présence numérique des marques.

2)     Carrefour de tous les contenus diffusés ici ou là, les sites donnent le cap et le ton de l'ensemble de l'écosystème de la marque.

3)     En tant qu'espace en lien direct avec la plateforme de marque, ils sont le reflet de l'action et des engagements de la marque, dans une logique d'ouverture conversationnelle.

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